Le plaisir, les émotions positives au centre des apprentissages
Après un certain nombre d’études, nous savons que la transmission des savoirs n’est pas juste un transfert d’informations d’un enseignant sur sa « chaire » vers un élève ou étudiant. Se jouent dans les apprentissages trois relations : le rapport de l’élève au savoir, la relation élève-enseignant, et le rapport de l’enseignant au savoir.
Nous savons aujourd’hui que les émotions ressenties par les élèves, ressenties par les enseignants, portées par le savoir influencent la motivation et l’efficacité des apprentissages.
R. Pekrun, psychologue et ses collaborateurs symbolisent, en 2002, le lien entre des variables motivationnelles et les apprentissages via la médiation des émotions.
Ce modèle a mis en valeur les facteurs motivationnels suivants :
- La perception de son efficacité personnelle
- La perception de la valeur de la tâche
- Les buts de l’activité d’apprentissage
Le sentiment d’efficacité personnelle, la valeur attribuée à la tâche, ainsi que des objectifs d’améliorer leur compétence entraînent des émotions positives et par la même une meilleure performance. Au contraire, l’apprentissage poursuivit dans des objectifs de performance, ou l’absence d’émotions y compris le stress contribuent négativement à la performance.
Perception d’efficacité personnelle ou estime de soi.
L’estime de soi est un combustible pour les situations d’apprentissage, un combustible qui va générer des émotions positives et ainsi influencer l’engagement et la persévérance dans les apprentissages.
Les bons élèves ont des expériences passées de leurs réussites face aux apprentissages, il sera ainsi plus facile pour eux d’avoir confiance en leur capacité, et de mobiliser la volonté face à des difficultés potentielles et les frustrations ou souffrance associées.
Faute de difficultés d’accès à des souvenirs de réussite (moins nombreux ou masqués par les échecs), un élève en difficulté évaluera potentiellement la situation d’apprentissage comme désagréable ou difficile, cela entrainera des émotions négatives influençant en retour son évaluation de la situation et la conduite à tenir. Cela aura un impact sur son « estime de soi ».
La perception de la valeur de la tâche.
De même que l’estime de soi, la valeur accordée à la tâche peut jouer soit le rôle de combustible, soit le rôle d’inhibiteur dans une situation d’apprentissage. Cette valeur de la tâche entrainera des émotions aidantes ou limitantes.
Ici nous évoquons la représentation que se fait l’élève de l’activité, de la matière. Cette représentation se construit par rapport à ses expériences personnelles, par rapport à son héritage social et culturel, par rapport à son héritage familial, par rapport à la représentation qu’il se fait de ses capacités dans cette discipline.
Je ferai une digression vers une expérience de Jean-Marc Monteil, psychologue du travail, qui s’est intéressé au rôle des représentations sociales des activités cognitives d’apprentissage. Cette expérience consistait à présenter à des collégiens une même tâche, soit décrite comme une tâche de reproduction d’une figure géométrique complexe, soit décrite comme une tâche de dessin. Dans le cadre de cette étude, les mauvais élèves avaient de moins bons résultats que les bons élèves dans la condition d’étude « géométrie ». Ils avaient des résultats équivalents aux bons élèves dans la condition « dessin ». Cette expérience montre que les résultats sont dépendants de la représentation que se fait l’élève de la tâche. Nous voyons ici que la représentation qu’a l’élève de la tâche est à corréler avec la perception qu’il a de ses capacités. Le mauvais élève s’est construit une représentation de la tâche complexe en fonction de ses expériences passées, éprouve certainement des émotions négatives en fonction de cette représentation, et cela impacte ses performances.
Une des pistes pour maintenir cette valeur est de l’associer au plaisir d’apprendre et non pas à la performance scolaire. Une autre piste sera de donner de la valeur aux erreurs comme mode d’apprentissage.
Les buts de l’activité d’apprentissage.
Face aux élèves en difficulté scolaire : « valoriser l’apprentissage plutôt que la performance »
« L’objectif de l’école est d’apprendre et non de réussir avant tout ». Ainsi, les élèves comprennent que l’erreur fait partie de l’apprentissage et est nécessaire au développement de l’intelligence. Ils ont alors moins peur d’échouer, les émotions sont alors plus positives face aux apprentissages.
« Faire évoluer le rapport au savoir est donc l’un des enjeux de toute action éducative »
(Philippe Perrenoud, Qu’est-ce qu’apprendre ? – Enfances & Psy 2003/4 n°24 – P 9 à 27)
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Perrenoud, P. (2003). Qu’est-ce qu’apprendre ? Enfances & Psy, n°24, pp. p9-17.